Jeudi 4 juillet

Départ de Beijaflor de Port Moselle à 8 h30. Arrivée au mouillage baie de Kouakoué à 23h. Isabelle arrivant de sa mission de recherche du C47 Dakota après une semaine sur les eaux de Nakety, sous une pluie démentielle, est déjà accostée depuis l’après-midi. Sébastien, spécialiste de la détection, à mis en œuvre avec efficacité, le sonar Starfish 452 F de location, sur des fonds de 25 mètres. Une belle image du John Higginson en est sorti.

Vendredi 5 juillet.

Sébastien, qui a participé à la recherche de l’avion sur Isabelle, rentre sur Nouméa à bord de l’hélicoptère Hugues 300 de la société Montagnat. Installation du chantier de fouilles archéologiques, sur la goélette à vapeur John Higginson, tour de côte naufragé en 1882. Mise en place d’un mouillage pour Isabelle et installation d'une suceuse hydraulique. La pompe de la suceuse hydraulique placée à bord d’Isabelle est trop haute pour son amorçage. Elle sera installé avec succès sur Pékai.

Peu après son invention en 1987 par Fortunes de Mer Calédoniennes, les premières fouilles archéologiques réalisées sur l’épave, on été effectuées dans le coqueron arrière qui s’est avéré très riche en objets. Le coqueron ayant été complètement vidé des sédiments et de ses nombreux artefacts, la nouvelle zone de fouilles choisie se situe au niveau de la cale avant entre la chaudière et le pic avant.

Premières plongées de reconnaissances sur l'épave riche en faune et en flore. Jean-Michel et Luc filment et photographient l'épave avant l'installation du chantier. Jean-Michel a un petit souci d’étanchéité sur son caisson. Après le départ des « faiseurs d'images », la suceuse est fixée et les plongeurs commencent à aspirer les sédiments en creusant le premier cratère. D’après la description du chargement nous connaissons par nos archives la nature du chargement : 25 tonnes de charbon, 3 tonnes d'ignames et 3 tonnes d'objets divers. Bien entendu, nous espérons remonter les marchandises diverses. Le soir les repas sont pris en commun sous le grand  faré du camp de repos de la société Montagnat. Petit feu de bois et parfois un barbecue sont organisés sous un appentis en tôles.

Samedi 6 juillet

Le temps est au beau fixe et le vent faible. Profitant de cette fenêtre météo, nous décidons d’aller visiter l'épave du Ville de Saint-Nazaire, naufragé en 1904 dans la passe de Kouakoué et retrouvée par FMC en 2006. Suite aux fortes pluies, la mer est trouble sur les 3 premiers mètres de profondeur. Après plusieurs tentatives nous localisons le site au GPS et au sondeur. Isabelle mouille sur un fond de 6 mètres sur le récif fatal au grand voilier, à proximité de l’épave. Quelques membres de FMC découvrent cette épave exceptionnelle dans une eau limpide. Les moyeux de la double barre à roue sont abandonnés de ses colonies d'alcyonaires qui les décoraient joliment lors de notre dernière visite en 2007. Luc, Jean-Michel et Jean-Paul, font des images.

Dimanche 7 juillet

La vase soulevée par la suceuse produit rapidement un épais nuage qui gène considérablement la visibilité. Malgré un dégagement important de sédiments et de concrétions coralliennes, nous ne trouvons que du charbon et des pièces métalliques encombrantes. A bord d’Isabelle, les palanquées de 2 plongeurs se succèdent sans problèmes. Didier le directeur de plongée optimise au mieux les plongées. Isabelle, bien sécurisée, roule au mouillage. La houle grossit systématiquement en fin de matiné. Pendant le séjour, 2 rotations hélico permettent aux membres de FMC de nous rejoindre plus tard ou de rentrer plus tôt. Au bout du wharf de Kouakoué, deux petits compresseurs permettent de regonfler les blocs de plongée ainsi que le gros compresseur stocké sur Isabelle. Sur Beijaflor, un petit compresseur de 6m3 charge les bouteilles de l'équipage.

Lundi, mardi et mercredi

La suceuse est déplacée plusieurs fois en différents endroits de la cale afin de diversifier les sondages. Hélas nous ne trouvons que du charbon. Nicolas remonte une solide charnière d'écoutille en bronze. Luc pense avoir repéré un chadburn en bronze, en fait il s’agit d’un habitacle de compas en acier dont seul le cerclage supérieur est en bronze. Après la découverte d'un petit hublot en bronze sur la paroi tribord du coqueron, le binôme Denis et Jean-Pierre n'a pu extraire ce bel objet de marine par manque d'outils adéquats.

Jeudi 11 juillet

Départ de François et de Jean-Michel. Avec Philippe, arrivée de Anouchka Filc, journaliste pour Les nouvelles calédoniennes. Elle suivra le déroulement et l’organisation des fouilles afin d’écrire un article « vivant ». Parallèlement aux palanquées suceuses, Philippe et Pierrot effectuent les relevés métrés de l’épave, Ils permettront à Luc, en plus de ses photos, de réaliser un plan précis de l'épave à l’échelle. Nous sommes toujours dans du charbon malgré tous les sondages réalisés.

Vendredi 12 juillet

La suceuse hydraulique est positionnée dans le pic avant, mais au moment de l'aspiration, la visibilité dans l’étroite cale est vite obstruée par la fine vase en suspension. Aucun artefact n'a pu être retrouvé, Il nous manque une pleine journée de plongée pour vider totalement la couche de sédiments accumulée dans cet endroit. Une grosse pièce en bronze de forme tubulaire, provenant de la chaudière est remontée sur Isabelle. Par manque de temps, nous ne pourront récupérer une grande cheminée en bronze ensablée sur bâbord. Le chantier est désinstallé par Yann et Jean-Paul. Nous les récupérons en pleine eau, à bord de Pékai.

Samedi 13 juillet

Départ des deux bateaux le matin de la baie de Kouakoué le vent de sud-sud-est est bien établi. Arrivée Beijaflor à Port Moselle et d'Isabelle au quai de Nouville, dimanche en fin de matinée.

L’ensemble de la mission à été réalisée sans problème particulier. Les plongées furent organisées selon les normes fédérales. Nous avons fait de notre mieux même si la collecte d’objets n’a pas été à la hauteur de l’énergie dépensée et de nos prévisions. Chacun aura progressé en s’initiant ou en se perfectionnant dans la logistique d'un chantier de fouilles archéologiques sous-marines, par l'irremplaçable pratique des techniques d’excavations, par l'indispensable entraide entre-nous, promesse d'efficacité dans nos futures recherches. De belles images sous marines ont été réalisées par Luc et Jean-Michel. Elles seront la base d'un film et d'articles sur cette épave. Nous n'oublions pas que la lourde maintenance, en amont, d'Isabelle et le pilotage de notre bateau amiral par Michel et Jean-Pierre ont largement contribué au bon fonctionnement de ce projet.

 

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En marge de l’ouverture du Musée Maritime de Nouvelle Calédonie, l’association Fortunes de Mer Calédoniennes prépare sa première campagne de fouilles de l’année 2013. Ces fouilles s'organiseront sur trois épaves, très représentatives du patrimoine archéologique sous-marin calédonien puisqu’il s’agit d’un minéralier à voile, d’un vapeur et d’un avion de la Guerre du Pacifique.

Fin juin 2013, une première équipe partira à bord d'Isabelle, le bateau base de l’association, en direction de la baie de Nakéty. Le rôle de cette équipe sera d'essayer de localiser un avion de transport de type Douglas C47, crashé en novembre 1943, durant la de la Guerre du Pacifique. L’appareil parti de Tontouta se dirigeait vers l'île de Santo aux Nouvelles-Hébrides. Cet accident peu connu du grand public a fait 25 victimes, tous soldats de l’armée américaine. La zone de recherche est importante, sur des fonds d’environ 35 mètres. La visibilité sous les eaux de la baie est mauvaise. Cette équipe devra apprécier si une exploration en visuel est possible. Un engin de type sous-marin humide, sera tracté à une vitesse d’environ 4 km/h à une profondeur d’une vingtaine de mètres. Par ailleurs, un sonar latéral de type Starfish, généreusement prêté par la société Action Hydro Topo, permettra d'identifier des portions de la carlingue. Nous pensons que, comme le bombardier B17 crashé à Koumac, l’épave devrait être plus ou moins éparpillée selon la violence du contact avec l'eau.

A partir du 5 juillet tous les acteurs de Fortunes de mer calédoniennes se retrouveront dans la baie de Kouakoué. Deux épaves seront alors exploitées: le minéralier à voile Ville de Saint-Nazaire, d’une centaine de mètres, naufragé le 29 mai 1904 sur une portion de récif de la barrière de corail. L’épave, inventée par l'association en mai 2006, est brisée en deux. La poupe gît à 42 mètres de profondeur. La mature et la coque, bien conservées, offrent un spectacle magnifique. En raison de la grande profondeur, les plongeurs réaliseront des fouilles superficielles et des images photos et vidéos.

Le caboteur à vapeur John Higginson, inventé en 1987 par Fortunes de mer calédoniennes, effectuait le tour de côte pour desservir les villages du littoral de la Grande-Terre. Il a coulé en 1882, suite à une voie d’eau consécutive à un choc contre le récif barrière. En 1987, de nombreux artefacts trouvés dans le coqueron arrière sont aujourd'hui exposés dans les vitrines du Musée maritime de Nouvelle-Calédonie. En juillet, les plongeurs dégageront les sédiments accumulés dans la cale, à l'aide d'une pompe hydraulique, avec l'espoir de retrouver une partie de la cargaison. Tous les objets remontés seront traités puis stockés par l’équipe de conservation du laboratoire de l'annexe du Musée maritime de Nouvelle-Calédonie.

Une quinzaine de membres de l'association participeront à cette campagne de fouilles programmée du 29 juin au 14 juillet 2013. En plus d'Isabelle, les voiliers Beijaflor et Sillages seront mis à la disposition de l'association par les deux membres propriétaires. En ce qui concerne l'intendance, la société minière Montagnat prêtera le faré du centre de repos de Kouakoué où les repas du soir seront pris. Un grand merci pour cette aide précieuse. Dans le prochain bulletin, les internautes seront informés des résultats de cette campagne de fouilles.

Une deuxième campagne sera envisagée en fin d’année sur l'épave de la corvette la Seine, à partir du village de Pouébo.

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2 octobre 1998, 9h40 : après plusieurs tentatives de recherche, l’épave du trois-mâts barque TACITE est enfin localisée par deux plongeurs de l’Association Fortunes de Mer Calédoniennes. Ce voilier reposait depuis le 11 octobre 1873 à trente milles de Nouméa, dans la Passe de Mato par 32 mètres de profondeur. Ce gisement archéologique présente un grand intérêt pour le patrimoine maritime de Nouvelle Calédonie puisque la totalité de la cargaison, constituée de marchandises diverses embarquées à Bordeaux, destinées à l’archipel, a été parfaitement protégée par le sable corallien. Rendons-nous sur le premier chantier de fouilles.

Dès notre immersion, le tintamarre produit par les moteurs pétaradant sur la plage arrière de TOTAL RECUP (notre bateau base) s’évanouissent. Avec Michel, je descends le long du tuyau jaune de la pompe hydraulique qui s’enfonce dans le bleu. A partir de 10 mètres, l’épave du TACITE nous apparaît progressivement: un guindeau, des amoncellements de pièces métalliques, quelques rouleaux de feuilles de zinc, des tonneaux de ciment, une meule à grains plantée sur la tranche, et, au centre de tout cela, quatre plongeurs qui s’activent. Un halo de lumière produit par la rampe de projecteurs de l’équipe vidéo met en relief le binôme de plongeurs que nous venons relayer. Depuis vingt minutes, nos amis ont creusé par aspiration des sédiments, un cratère d’où ils viennent de dégager un nombre impressionnant de chandeliers, verres à pied, ainsi qu’un magnifique angelot et une adorable tête de poupée en porcelaine blanche.

Mon compagnon s’empare du tuyau annelé de la “suceuse”, il pousse de sa main libre les sédiments vers cette bouche qui les avale goûlument dans un chuintement perceptible. Pendant ce temps, je déplace des morceaux de coraux et des tessons tranchants vers une zone élue “dépotoir”. Michel fait apparaître la forme ventrue d’une grosse barrique en bois, partiellement éclatée malgré la présence de plusieurs cerclages en métal corrodé.  Il dégage ensuite des bouteilles de vin disposées en quinconce dans une caisse dont le bois gorgé d’eau se délite au toucher, les pose une à une avec délicatesse à l’extérieur de la cavité; elles possèdent toutes encore leur bouchon, certaines présentent même un goulot capsulésur lequel on peut encore lire: ”LAFAURIE Fils - Liquoriste - BORDEAUX“.  Il ne manque que les étiquettes! Nous savons  hélas, que le breuvage d’origine n’est plus qu’un liquide nauséabond.

A quelques centimètres de nos masques,  labres et lutjans se régalent des nombreux organismes délogés de leurs abris .  J’inspecte régulièrement la buse en PVC qui refoule les plus fins sédiments en nuages et construit un tas pyramidal avec les matériaux plus lourds. En examinant avec soin ce dépôt, nos amis ont trouvé ce matin un sceau en plomb portant l’inscription:”BORDEAUX”.

Un regard sur les instruments nous informe qu’il ne reste que deux minutes à passer au fond. Nous remplissons de bouteilles nos filets; en  amorçant notre retour vers la surface, nous croisons Gilbert et Jean-Pierre qui assureront l’ultime plongée de ce chantier. Ils disposent de peu de temps pour remblayer la cavité, libérer la suceuse enchaînée au guindeau, remplir d’outils et d’objets divers une bassine en aluminium et la remonter à l’aide d’un sac de relevage.

Nous quittons le site avec le sentiment d’avoir beaucoup appris pendant ces trois journées. En 69 plongées, nous aurons totalisé 23 heures de fouilles et remonté près d’un millier d’objets actuellement entreposés pour être inventoriés, puis traités, dans le laboratoire du Musée de L’Histoire Maritime de Nouvelle Calédonie.

Après le naufrage, le Capitaine Jean-Baptiste MOYON concluait ainsi son rapport:  “Le navire s’enfonçant de plus en plus, je songeais à sauver mes hommes et les papiers du navire; mais je ne réussis qu’à demi pour ces derniers; car les hommes étant tous embarqués, virent le danger mieux que moi qui cherchais à sauver mes livres de comptes. Ils me crièrent tous: Sauvez-vous, capitaine, le navire va sombrer. Je sortis immédiatement de la dunette et je n’eus que le temps de m’élancer dans le canot, en criant à mon tour: Au large! Dans moins de temps que je ne mets à l’écrire, le navire s’abîma dans la mer en chavirant au large. Le grand mât tomba, le mât de misaine aussi fut cassé, je le suppose. Nous restâmes environ cinq à six minutes en observation. Après ce petit laps de temps écoulé, je ne vis plus qu’une partie du flèche et du petit perroquet. Je fis alors nager quinze minutes environ, afin de voir et de pouvoir préciser l’endroit où gisaient les épaves du TACITE. Quand je revins, tout avait complètement disparu. Convaincu alors que c’était à l’entrée de la passe de Mato que nous avions fait naufrage, nous fîmes route avec précaution pour chercher un passage entre les récifs, et nous réussîmes, non sans quelque difficulté, car comme je l’ai déjà dit, nous n’avions presque rien de sauvé,  ni compas, ni carte. Enfin nous aperçûmes le phare et nous pûmes nous diriger, en prenant des précautions, en attendant le jour. La mer était belle, heureusement, car les deux embarcations que nous avions étaient très faibles, n’ayant pas eu le temps de mettre la chaloupe à la mer. Nous nous dirigeâmes sur le phare de l’ îlot Amédée où nous arrivâmes à dix heures du matin. Après avoir pris quelque nourriture et un peu de repos, le pilote-major nous fit conduire par sa goélette à Nouméa. Chemin faisant nous rencontrâmes le transport à vapeur le CHER qui allait pour nous secourir; mais sur le rapport verbal que je lui fis, il jugea inutile, comme je l’avais jugé moi-même, d’aller à la recherche de quoi que ce soit. Le temps peut-être permettra d’avoir quelques barriques de vin; mais, comme le navire était presque tout chargé en lourd par son fond et caissage par les hauts, je crois qu’il restera longtemps avant d’être brisé, et roulera à une profondeur telle qu’il sera matériellement impossible de sauver aucune épave. Arrivé à Nouméa je logeai mes hommes comme je pus, n’ayant ni argent ni crédit, et la ville étant dépourvue d’hôtel."

Le capitaine MOYON était, on peut le comprendre, pessimiste quant au devenir de la cargaison. Il serait aujourd’hui très surpris de constater que celle-ci commence à être livrée à Nouméa avec 126 ans de retard!

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