En 1968, les plongeurs de la Marine nationale inventent, dans la passe de Pouebo, au nord-est de la Grande terre de Nouvelle-Calédonie, l'épave de la corvette de guerre française Seine naufragée le 03 07 1846, par 23 m de profondeur. En septembre 2015, avec l'appui de la province Nord, sept membres de Fortunes de mer Calédoniennes (FMC) organisent le 6ème chantier de fouilles sur cette épave historique d'un grand intérêt archéologique.

Hébergés pendant 8 jours par la famille Dalap, les plongeurs ont bénéficié près du campement, d'une rampe pour la mise à l'eau de leurs deux embarcations, remorquées depuis Nouméa distant de 500 km. Quotidiennement, les intervenants se sont relayés à la buse d'aspiration de la «suceuse » hydraulique, près du monumental cabestan, totalisant 44 h de travail au cours de 50 plongées. De nombreux artefacts ont été remontés dont plusieurs sabres de marine dans leur fourreau en cuir et métal. Les plongeurs ont identifié une cuisine distillatoire à l'avant bâbord de l'étrave. Cette pièce rarissime en bronze, de forme cubique, pèse 1,2 tonne. Elle fait partie d'un ensemble qui servait à la dessalinisation de l'eau de mer, en la chauffant selon le principe de l'alambic. Les besoins en eau étaient importants pour un équipage de 232 hommes, embarqués pour 4 ans sur un navire de moins de 50 mètres. Cet outil équipait tous les navires de la Marine nationale en mission de circumnavigation autour du monde et permettait de limiter les tentatives d'aiguade dans les îles peuplées par des populations hostiles. « Cette découverte est exceptionnelle car il s'agit probablement d'une pièce unique au monde », explique Philippe Houdret le président de FMC ; à l'époque, il s'agissait d'un appareil de haute technologie aujourd'hui mal connu. A partir de la fin du XIXe siècle, quand les navires plus imposants embarquaient assez d'eau pour limiter les escales, ces appareils devenus obsolètes ont été fondus pour recycler le bronze.

Les membres de FMC ont travaillé en étroite collaboration avec l'équipe du Musée maritime de Nouvelle-Calédonie. Valérie Vattier la directrice, au cours des recherches pour l'exposition temporaire actuelle « Le secret de la Seine », avait retrouvé la trace de cet équipement dans un catalogue de pièces embarquées sur la corvette. En septembre 1845, le navire appareille de Brest avec à son bord, la cuisine distillatoire des artisans Nantais Peyre & Rocher mis au point trois ans plus tôt. "Nous l'avons retrouvé à plus de 20 m du site de fouille" explique le photographe Luc Faucompré. Une opération sera envisagée dès que possible pour relever cette relique exceptionnelle. Il nous faudra sangler cette pièce, y fixer deux sacs de relevage de 1000 litres chacun, les gonfler, puis une fois près de la surface, tracter l'ensemble jusqu'à un navire équipé d'une grue de plus d'une tonne de traction. La cuisine distillatoire pourra alors être enfin débarquée au laboratoire de l'annexe du Musée maritime , pour y subir un traitement électrolytique sous la direction de Marie Arnautou, conservatrice-restauratrice nouvellement en poste.

Après la restauration en décembre 2009 de la double barre à roue de la Seine, le Musée maritime de Nouvelle-Calédonie pourra s'enorgueillir d'exposer une seconde pièce exceptionnelle.

Pierre Larue

Plan de l'épave de la corvette Seine (Relevé Jean-paul Mugnier et Luc Faucompré FMC)