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Pour célébrer la journée international des droits de la femme de ce 8 mars, nous vous invitons à découvrir le portrait peu commun d'une femme lamaneur.

Isoline Viratelle est une figure calédonienne bien connue. Depuis quelques années, elle a repris l'entreprise Viratelle, une société de lamanage que son père a montée. Baignée dans ce milieu maritime depuis son enfance, cette femme hors du commun a tout naturellement choisi d'évoluer dans cet univers très masculin et très physique. Et elle ne s'en laisse pas conter !

Isoline, vous êtes dirigeante de la société Viratelle, une entreprise de lamanage. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?

Quand un des navire approche du port de Nouméa, mon équipage et moi-même le rejoignons avec notre chaloupe. Les marins nous jettent alors leurs aussières* que nous attrapons pour les amener jusqu’au quai. Le navire peut ensuite être amarré en toute sécurité. Le lamanage, c’est toute cette manoeuvre!

*gros cordage servant au remorquage ou à l’amarrage des navires

Avec quels types de bateaux travaillez-vous ?

Avec des petits ou des gros comme des pétroliers, des paquebots de croisière ou des porte-conteneurs. Près d’eux, on se sent bien petits ! C’est très physique comme métier, on se lève très tôt et c’est dangereux quand il pleut, mais nous avons l’habitude. Il faut monter sur les coffres d’amarrage pour accrocher les aussières et on peut glisser. Sur les gros bateaux, nous devons être au moins trois, car parfois les câbles peuvent être lourds à tirer, surtout s’ils sont immergés. Souvent les paquebots se servent de la touline* qui n’est pas toujours facile à lancer et à attraper lorsqu’il y a du vent. Une fois la touline en main, nous devons ensuite la tirer vers nous pour faire venir l’aussière.

* lance-amarres formé d’un cordage fin, à l’extrémité duquel est fixé un nœud en forme de boule

Quelles sont vos activités au sein de la société ?

Je fais un peu de tout, capitaine, matelot. Cela ne me dérange pas de prendre tous les postes.

Comment êtes-vous perçue dans ce milieu très masculin ?

Vu que je suis capable de tout faire, les hommes ne peuvent pas venir me dire de me taire sous prétexte que je ne sais pas faire. Je ne dirige pas la société de mon bureau ! Quand il faut mettre la main au fond de la cale, j’y vais. Et ils savent que je suis capable de le faire !

Vous êtes tombée dans le bain maritime bien jeune. Est-ce que votre vocation vient de votre père, Emile Viratelle, qui a monté l’entreprise ?

Oui, on a toujours été dedans. J’ai commencé à travailler avec mon père il y a bien longtemps. Quand on allait à l’école, on lui donnait la main déjà, même à 18, 19 ans quand je travaillais chez un comptable. Moi et mes frères, on l'a toujours aidé. Nous étions les petits mousses, les petits matelots. Et cela remonte loin parce que mon père faisait le service de transports de passagers lorsque Nouville était encore l’Ile Nou.

Tout le monde aidait dans la famille, mon grand-père maternel aussi. À une période, mon père a été malade et il a fallu qu’il parte en Australie pour se faire soigner. Mon grand-père l’a alors remplacé, aidé de mon oncle et de mon frère aîné. Maintenant dans le milieu maritime, il ne reste plus que mon petit frère, le dernier, et moi.

Votre père assurait aussi une navette entre l’Ile Nou et Nouméa dont beaucoup de Calédoniens se souviennent. Quand a-t-elle circulé ?

Mon père avait déjà cette activité de transport avant que je naisse. Il a commencé à faire l’Ile Nou/Nouméa avec son 1er bateau le Nice il me semble. Il l’avait eu par M. Lafleur qui lui avait donné la main pour démarrer. Puis il y a eu la Marcelle, et bien après le Patonga. Ce bateau venait d’Australie, il naviguait sur une grande rivière qui s’appelait Patonga, d’où son nom.

Auriez-vous un souvenir ou une anecdote à raconter ?

Oui, j’en ai une qui me vient à l’esprit et qui est liée aux dangers de notre métier. Avec mon matelot, nous étions arrivés près d’un bateau mais sa marche arrière ne fonctionnait plus. Donc automatiquement l’équipage a lâché la pioche* pour éviter de rentrer dans le quai.Mais il l’a lâchée sans me prévenir ! C’est tombé à un mètre derrière mon bateau…En général, je fais très attention à ne pas être sous l’ancre. Je me positionne à côté mais parfois, je ne peux pas faire autrement et c’est vraiment une hantise car si on prend une « pioche » sur le bateau, on part au fond avec !

*nom familier pour désigner l’ancre

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