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En ce 8 mars, pour la journée internationale des droits des femmes, nous souhaitons aujourd’hui mettre à l’honneur Elodie Jaunay, directrice de l’agence Kenua à Nouméa.

Elodie, pourriez-vous nous expliquer en quelques mots l’activité de l’agence que vous dirigez ?

L’agence Kenua est dotée d'une excellente équipe d'agents maritimes qui fait le lien entre les navires de croisière qui arrivent en Nouvelle-Calédonie, les autorités portuaires et les prestataires. Chaque navire étranger a besoin d’un agent local pour effectuer toutes les formalités d'arrivées, que ce soit les contrôles aux frontières avec les services de la DASS ou les vérifications douanières, phytosanitaires et d’immigration. Nos agents maritimes sont présents pour répondre à tous les besoins éventuels du navire, la recherche d’hôtel, des éléments de navigation, la mise en place et le suivi d’une évacuation médicale ou la nécessité de s’approvisionner. Les agents sont en lien avec les prestataires locaux indispensables au bon fonctionnement d'une escale, tels les pilotes maritimes, les lamaneurs, les comités d'accueil dans les destinations et tous ceux qui évoluent autour du navire. L'agence est aussi le relais comptable pour les compagnies.

Quel trafic cela représente-il chaque année ?

En 2018, nous avons géré environ 470 escales, une centaine par île (Ile des Pins, Lifou, Maré) et 170 sur Nouméa. Il y a moins d’escales sur les îles car certains jours, comme les dimanches à l'Ile des Pins ou les jours fériés et les fêtes culturelles dans d'autres îles, sont exclus. Certains paquebots viennent tout au long de l’année, comme ceux de P&O Cruise Australia et Carnival Cruise Lines basés en Australie. D’autres compagnies, comme Royal Caribbean Cruise Line, viennent surtout en été dans le Pacifique. D’où notre pic d’activité durant les mois d’été. Ce qui représente environ 500 000 croisiéristes par an.

Qu’est-ce qui rend attractive l’escale de Nouvelle-Calédonie ?

Le gros atout de la Nouvelle-Calédonie est la diversité de nos destinations et leur authenticité. Pour les armateurs, Nouméa est intéressante pour ses installations portuaires, médicales, ses infrastructures d’approvisionnement et sa "french touch". Pour une croisière de 7 à 10 jours, la Nouvelle-Calédonie est la porte d'entrée vers le Vanuatu et Fidji. Les navires ont impérativement besoin d’une escale technique sur leur itinéraire et seuls trois ports peuvent recevoir à quai de tels navires : Nouméa, Port-Vila et Santo. S’ajoute à cela les destinations de l'île des Pins, Lifou et Maré très appréciées par les croisiéristes pour les échanges culturels, les paysages magnifiques et les plages. Les échanges avec les tribus, les excursions à terre et les activités nautiques mis en place par les prestataires locaux sont aussi très recherchés.

Vous êtes donc à la tête de l’agence Kenua, quel a été votre parcours ?

Calédonienne d’origine, j’ai effectué des études d’anthropologie et de linguistique en Australie car je souhaitais être bilingue et travailler dans la culture. Je suis tombée un peu par hasard dans le métier d’agent maritime. En 2002, j’ai travaillé pour CMA CGM et j’avais pour mission de gérer les escales de croisière. En 2007, Gilbert Thong, un pionnier du tourisme et de l’animation à qui je souhaite vraiment rendre hommage, m’a contactée pour monter cette société. Lui gérant la partie touristique et moi la partie logistique. Et c’est exactement cette double compétence que recherchaient les armateurs. Malgré la disparition regrettée de Gilbert il y a 3 ans, la pirogue qu’il a créée est toujours à flot...

En parallèle j'ajouterais que je fais également partie du cluster maritime de Nouvelle-Calédonie regroupant un grand nombre de professionnels de la mer. Le cluster maritime a pour mission de sensibiliser la Nouvelle-Calédonie aux grands enjeux de la mer, afin qu'elle se dote d'une gouvernance adéquate et puisse être mieux protégée et préservée.

La présence de femmes dirigeantes dans le milieu maritime n’est pas encore très répandue. Comment êtes-vous perçue dans ce contexte professionnel très masculin ?

La situation a évolué très rapidement ces dernières années. Il faut de toute façon faire ses preuves pour être reconnu dans le métier, qu’on soit un homme ou une femme. Les femmes sont surement plus exigeantes, car elles ont peut-être l’impression qu’elles doivent faire un peu plus leurs preuves.

Dans ce métier, nous travaillons avec les coutumiers et avec les tribus. Au début ce n’était pas évident de débarquer sur les îles en tant que femme, blanche de surcroît. Il faut prendre le temps d’expliquer que nous sommes là pour les aider et que nous sommes partenaires. Aujourd’hui tout se passe très bien, il y a également des femmes extraordinaires qui gèrent les structures dans les îles. Notre collaboration date maintenant de plusieurs années.

Auriez-vous un moment qui vous tient particulièrement à cœur et que vous aimeriez évoquer ?

Ma formation en anthropologie m’implique sans doute davantage dans les relations humaines et travailler avec les îliens est très enrichissant. Un événement m’a particulièrement marquée. Les compagnies maritimes  avaient déjà entrepris depuis quelques années des discussions avec les coutumiers de Maré pour l’accueil de navires et le premier devait arriver en août 2012. Or, 6 mois auparavant, des conflits graves opposant des clans ont éclaté sur l’île. Cela n’avait rien à voir avec la venue des bateaux mais il était difficile de continuer le projet alors que les gens ne se parlaient plus entre eux. Pour sortir du conflit, nous avons proposé de rassembler une délégation de Maré, de l’Ile des Pins, de Lifou, de Nouméa, des membres du consulat d’Australie et des armateurs. Dans le monde mélanésien, les échanges peuvent être plus aisés en prenant les chemins coutumiers entre îles et c’est que qui s’est passé. Ce fut un week-end de réconciliations, les gens de Maré se sont fédérés autour du projet au-delà de leurs conflits internes.

Aujourd’hui à Maré, mais aussi dans les autres îles, ce sont les tribus qui organisent et structurent l’arrivée du bateau. En aucune façon, les armateurs ou l’agence n’imposent quoique ce soit. Nous sommes vraiment contents que ce projet ait vu le jour, cela permet aux îliens de rester dans leurs îles en développant des activités liées au tourisme!