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Portraits et Témoignages

Cette rubrique vous offre un choix de témoignages ou de portraits audio de personnages contemporains
de Nouvelle-Calédonie racontant leur histoire et leur vécu sur un sujet maritime.
Pour plus de clarté,  vous pouvez écouter les témoignages tout en les lisant.
Cet espace est évolutif et sera progressivement alimenté par de nouveaux récits.

Août 2011…

Je suis entré aux « Phares et Balises » en 1969, le 28 avril pour être plus précis. J’entame ma 43ème année dans le service des Phares et Balises et j’y travaille toujours avec autant de plaisir! 

…La nuit d’un gardien de phare, c’est fait de veilles bien entendu, c’est fait de l’allumage du phare, c’est fait aussi de l’observation de l’extérieur, de tout l’environnement qu’il y a autour. On est à l’intérieur des terres, en altitude, et donc on a un ressenti lors de ces nuits, je dirais « calmes » entre guillemets, parce que jamais aucune nuit n’a ressemblé à une autre. Toutes les nuits sont magiques, il n’y en a pas une qui est pareille à l’autre et à chaque fois, on est pris par la magie. On a cette sensation de solitude intense, d’être tout seul à ce moment-là, c’est difficile à décrire, c’est des sentiments qu’on ne peut pas exprimer par des mots.

Il faut savoir qu’en 1995 nous avons commencé une campagne d’éclairage des routes maritimes des îles du nord de la Nouvelle-Calédonie, entre Poum et les îles Belep.

Un beau jour, j’ai reçu un coup de fil d’une personne de cette région qui m’a remercié d’une façon chaleureuse d’avoir mis un balisage. Elle m’a expliqué la chose suivante : étant parti avec deux amis à la pêche sur une petite embarcation, celle-ci a coulé et ils se sont retrouvés à la nage dans la patouille. Naturellement il y avait une mer pas formée mais dans la nuit noire, le seul repère qu’ils aient eu, c’était les feux qui étaient positionnés sur le récif de l’île Yandé. Deux personnes ont été sauvées grâce à cela et la  troisième personne a malheureusement disparu avec le bateau. Mais deux personnes ont été sauvées et c’était une de ces personnes qui m’avait appelé. Vous voyez, aujourd’hui encore, j’en ai une émotion forte parce que ça, c’est quelque chose de formidable, ce qui justifie une carrière, la totalité d’ailleurs. Si je n’étais pas convaincu aujourd’hui que ce que l’on fait est utile, ce jour-là j’ai su que je servais à quelque chose. 

Août 2011…

Je suis pilote à la retraite, après avoir navigué quelques années au « Nickel ». Ensuite au début de ma retraite, j’ai eu la chance d’occuper le poste de président du conseil d’administration du Port autonome pendant 6 ou 7 ans.

Le pilotage c’est une aide à la navigation, c’est une aide au commandant de navire. Le pilote embarque à l’extérieur du grand récif, il suit diverses routes intérieures, soit jusqu’à un mouillage dans les ports qui chargent le nickel, soit jusqu’à un quai comme à Nouméa.

Le pilote est un conseiller. Le commandant n’est pas tenu de suivre ses conseils mais dans la pratique, le pilote donne ses ordres directement comme s’il était le patron.

Le pilotage en Nouvelle Calédonie représente toute l’île. C’est probablement un des pilotages les plus longs du monde puisque il y a plus de 400 milles marin de routes à connaître, au moins une vingtaine de passes fréquentées plus au moins usuellement en dehors de Nouméa.

Nouméa est desservie par trois, voire quatre passes. Une des difficultés pour apprendre, c’est que toutes les passes ont pratiquement la même orientation, c’est-à-dire qu’elles sont perpendiculaires à la Grande Terre mais ça varie de quelques degrés, donc on a une quantité de passes à voir qui varie de l’une à l’autre de simplement 1, 2 ou 3 degrés.

C’est un métier formidable surtout pour celui qui le pratique, peut-être pas pour sa famille, parce qu’on n’est pas souvent là. On travaille à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, il n’y a aucun horaire. 

Mais c’est un métier fantastique, on se fatigue beaucoup mais on y prend beaucoup de plaisir. On est un peu son propre patron, on peut passer des heures à rêver. Pas trop quand même… parce qu’il y a des changements de routes de temps en temps ! Mais le canal Woodin un jour de pleine lune, c’est magnifique.

Nov 2012…

Je suis retraité de la Marine Nationale et j’ai actuellement plus de 96 ans. 

Lorsqu’il a fallu entrer dans un lycée ou ailleurs, ma mère m’a orienté plutôt vers les Arts et Métiers. Des Arts et Métiers, je suis entré après dans la Marine Nationale, comme les gens qui se présentaient normalement aux écoles de la Marine à ce moment-là.

C’était au début de la guerre de 40 qui commençait. J’ai fait 2 ans ou presque dans la Marine à Brest et de là, on n’a pas fait, mes collègues et moi, le tour du monde avec la Jeanne d’Arc. Ça se faisait d’habitude, mais c’était la guerre et on avait besoin de la Jeanne d’Arc pour faire autre chose que de faire le tour du monde à ce moment-là. 

Au début, je suis allé à Mers-El-Kébir. J’ai eu la chance de quitter, avec mon bateau évidemment, cette baie qui était française et qui est en Algérie, 15 jours avant que les bateaux soient coulés par les Anglais. Je ne dirais rien là-dessus mais comme tous les marins, j’ai eu beaucoup d’amis qui sont restés dans cette baie de l’Algérie. 

Après, quand la guerre était finie, j’ai repris mon poste dans la Marine. Je ne l’avais pas quitté d’ailleurs et j’ai fait 4 ou 5 ans sur un sous-marin. Cela a continué comme cela jusqu’au moment où j’ai eu un poste sur l’Arromanche, un porte-avion. Puis, cela s’est terminé comme ça, après une longue vie dans la Marine.

Août 2011…

Je ne sais pas si je suis le plus à même de présenter notre ami Riquet Goiran, puisque je ne suis pas un des plus anciens dans les associations, mais je l’ai bien côtoyé tant à Fortunes de mer qu’à l’association Salomon, ainsi qu’au Musée maritime dont j’ai été le président pendant 13 ans.

Riquet Goiran, c’était notre mentor. C’était un homme de terrain, un plongeur exceptionnel et un meneur d’hommes hors pair.

En fait, sa notoriété provenait surtout du fait qu’il était l’un des premiers compagnons de Jacques Cousteau  et qu’il a participé à toute son aventure, au « monde du silence », un des premiers films de Cousteau. Il est venu en Nouvelle-Calédonie dans les années 60 et il a fait bénéficier aux associations de sa profonde connaissance du monde marin. C’était un homme totalement passionné par la plongée, il avait des qualités humaines exceptionnelles.

Une de ces qualités que nous admirions tout particulièrement, c’était sa vitalité parce qu’à plus de 70 ans, il restait l’un de nos meilleurs plongeurs et il était vraiment un exemple pour nous. 

En fait, Riquet c’était vraiment notre idole, une idole qui a disparu il y a plus d’un an et dont la disparition nous a été extrêmement brutale et durement ressentie.

Riquet Goiran parlant du Naufrage de la Joliette dans le documentaire réalisé en mars 1996 par la télévision éducative RFO Nouvelle Calédonie.

C’était en fin de chargement, le 11 février. Thio avait à ce moment-là un wharf de chargement qui était une particularité de la Nouvelle-Calédonie et pratiquement le seul avec Doniambo.

Et là un cyclone l’a surpris en fin de chargement.  Et manque de chance, le cyclone a été suivi par un raz de marée très très important.

Là rien à faire, la masse à bord du bateau qui jaugeait quand même 3 000 tonneaux, qui était chargé de près de 3000 tonnes de Nickel a été soulevée et jetée contre le wharf qui a été en partie détruit. Le bateau a coulé instantanément et si l’équipage, les 16 ou 18 marins qui étaient à bord à ce moment-là, ont pu être sauvés, c’est par un coup de chance extraordinaire.

Le mât d’artimon en s’affalant, en tombant, a fait une passerelle entre le wharf et le bateau au dernier moment.

Les types ont été récupérés sans pouvoir rien sortir du bord, vraiment avec leur chemise et leur pantalon.  Cela été un des drames importants de la Calédonie.

Parce qu’à  ce moment-là,  les grands voiliers qui faisaient la liaison avec l’Europe étaient des éléments déterminants de la vie, surtout dans la ville de Thio, un centre minier depuis bientôt un siècle.